Il est l'un des hommes les plus écoutés en Europe. L'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a fait escale, samedi 3 juillet, aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence. Avant son arrivée déjà, on ne parlait que de lui ! Et de son rapport sur la compétitivité européenne remis en septembre 2024 à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Un document dans lequel il a « essayé d'indiquer la route à suivre » pour l'Europe.
Durant une demi-heure, l'ancien président du Conseil italien a brossé à grands traits ce qui fait défaut aujourd'hui au Vieux Continent pour que son économie se développe. « Le modèle décisionnel de l'Union européenne est défaillant depuis 25 ou 30 ans », regrette-t-il. « Nous n'avons pas compris à l'époque la nécessité d'avoir une réponse unifiée sur différentes questions. »
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Pragmatique, Draghi prône une culture de la « coalition » quand l'unanimité entre les pays semble impossible à obtenir. Mais pour que cette culture se développe, « il faut du leadership », martèle-t-il face à un chapiteau bondé. Saluant au passage, les investissements annoncés par le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, pour moderniser la défense de l'Allemagne, notamment avec un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur douze ans.
D'autant que le contexte économique mondial plaide à la solidarité entre pays européens. « Trump n'aime pas l'Union européenne et que nous nous regroupions », rappelle Mario Draghi. Seul hic, la vitesse de prise des décisions est trop lente pour l'ancien dirigeant de la BCE. « Le temps moyen d'adoption d'une mesure de la Commission, c'est à peu près deux ans et la mise en œuvre peut aller jusqu'à cinq ans. »
Pourtant, il y a urgence. Si Bruxelles a franchi des étapes importantes concernant le marché numérique, peu de choses ont été réalisées en faveur de l'intelligence artificielle ou de l'énergie, pointe l'ancien banquier.
Alors que la bataille des droits de douane fait actuellement rage avec les États-Unis, mais aussi avec la Chine, Mario Draghi martèle que « l'on doit accepter que les exportations ne seront pas le refuge ultime » pour l'économie européenne. Ainsi, au lieu de sans cesse vouloir les augmenter, la solution passe, selon l'Italien, par davantage d'investissements. Et notamment par la mutualisation de dettes pour mener des projets communs.
Lever les barrières passe également par un changement de paradigme à Bruxelles, notamment sur la concurrence. « Il ne faut pas empêcher les politiques d'échelle lorsqu'elles amènent à l'innovation », plaide-t-il. En clair, il faut créer de vrais champions européens pour résister aux mastodontes chinois et américains.
Mais certainement pas au prix d'une casse du modèle social. Pour Mario Draghi, innover et conserver un modèle social protecteur est compatible. Et de citer le modèle suédois, l'un des plus perfectionnés en Europe pour combiner innovation et protection sociale.
En conclusion, Mario Draghi n'a qu'un message à la jeunesse européenne si souvent tentée de prendre le large : « Battez-vous, battez-vous et gardez espoir ! »
2025-07-05T21:00:51Z