C'est un sujet d'inquiétude, année après année: les Canadair seront-ils en mesure d'effectuer toutes les missions d'extinction des feux de forêts? Les célèbres bombardiers d'eau jaunes et rouges Canadair CL-415, capables de larguer 6.000 litres d'eau et de se ravitailler en "écopant" au-dessus d'un plan d'eau, ont une moyenne d'âge de plus de 25 ans. Et leur âge avancé engendre des coûts de maintenance supplémentaires et des risques de voir la flotte immobilisée plus longtemps que prévu.
Un rapport du Sénat daté de 2023 pointe "une flotte performante, mais dont la mobilisation croissante et le vieillissement constituent des facteurs de préoccupation". D'autant que le constructeur, De Havilland Canada, avait stoppé la chaîne de production pendant plus de 10 ans, faute de clients… avant d'annoncer sa relance en 2022 (pour une version modernisée, le CL-515), suite à une commande groupée de l'Union européenne.
Emmanuel Macron avait annoncé en 2022 sa volonté de renouveler la flotte de Canadair à l'horizon 2027, un horizon qui s'est éloigné depuis, les premières livraisons des bombardiers d'eau nouvelle génération étant attendues au plus tôt en 2028-2029.
Des projets ont été lancés en parallèle en France, pour se placer sur ce marché stratégique –mais très restreint– des avions bombardiers d'eau.
Lancée en 2020, l'entreprise girondine Hynaéro propose un aéronef capable de larguer 10.000 litres d'eau, soit presque deux fois plus qu'un Canadair. Lors d'une rencontre organisée avec l'association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace, le président d'Hynaéro, un ancien de l'armée de l'Air et de l'Espace et de la Sécurité civile, précisait avoir déjà signé trois lettres d'intention pour un total de 27 appareils, avec la Sécurité civile, "un opérateur privé australien et un opérateur privé méditerranéen".
Le Salon du Bourget a également été l'occasion pour Hynaéro de présenter son concept au Département de la défense américain ainsi qu'à des opérateurs de la zone indopacifique. Des discussions seraient par ailleurs en cours avec le Canada et l'Espagne.
Baptisé Frégate-F100, le projet bénéficie du soutien de France 2030, de la BPI, et peut compter sur Airbus: l'avionneur européen appuie Hynaéro entre autres sur le volet commercial et le financement pour accompagner et "sécuriser le projet" afin d'accélérer la phase de développement, indique-t-on chez Airbus.
Le calendrier est serré pour Hynaéro, qui affiche l'ambition de faire voler des démonstrateurs en 2029, pour de premières livraisons en 2031. La société a pour l'instant levé 1,1 million d'euros et achève la phase de faisabilité du concept. Elle escompte lever 15 millions d'euros cette année, dont 7 en subventions.
Un autre acteur cherche à s'implanter sur ce segment et propose de développer un bombardier d'eau basé sur le modèle ATR-72. Basé à Toulouse, Positive Aviation, qui compte dans son équipe dirigeante des anciens d'Airbus, de Dassault Aviation et d'Airbus, souhaite un lancement commercial dès 2028 et indique avoir signé un contrat avec un client américain pour 10 appareils.
De son côté, Airbus développe un kit de lutte contre les feux de forêts, destiné à être chargé dans les avions de transport militaire A400M. Cet équipement "roll on/roll off", qui ne nécessite pas de modification de l'avion, permettrait de larguer jusqu'à 20 000 litres d'eau ou de retardant.
De premiers essais ont été menés en Espagne en 2022 et Airbus a annoncé fin juin avoir mené une nouvelle campagne de tests en France cette fois-ci, depuis l'aérodrome de Nîmes-Garons, qui est par ailleurs la "base mère" de la Sécurité civile.
Cette solution a suscité l'intérêt de la Sécurité civile, mais selon les informations de BFM Business, il n'y aurait pas, à l'heure actuelle, de souhait politique ou militaire de transformer les A400M de l'armée de l'air et de l'espace en avions bombardier d'eau. Si la décision était prise d'acquérir des kits, ils seraient déployés en fonction des besoins ponctuels de renfort. De plus, malgré la facilité d'intégration et de mise en œuvre, cela représenterait une mission supplémentaire pour l'armée de l'Air et de l'Espace – qui devrait également former ses équipages à cette nouvelle capacité.
Chez Airbus, on indique que la France serait "un client idéal" et que le concept intéresserait également le Royaume-Uni, l'Indonésie et le Kazakhstan.
2025-07-05T14:36:12Z