EN 200 ANS, LE TEMPS DANS LES TRANSPORTS EST RESTé LE MêME POUR LES FRANçAIS (1 HEURE PAR JOUR), MAIS LES DISTANCES ONT éTé MULTIPLIéES PAR 12

Les Français parcourent en moyenne 12 fois plus de kilomètres chaque jour que leurs ancêtres il y a 200 ans. Il faut dire que l'innovation a permis au fil des années l'essor de nouveaux moyens de transport toujours plus rapides. De la voiture au train en passant par l'aérien, les transitions vers ces nouvelles mobilités ont toutefois pris du temps, comme l'a étudié Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports à l'Institut Louis Bachelier.

Il a analysé l'évolution de l'utilisation des différents moyens de transport et des énergies nécessaires à leur fonctionnement. Puis Daniel Breton, fondateur de Visual Data Flow, les a transformées en une frise chronologique mouvante et fascinante (à retrouver dans la vidéo en tête de l'article).

"Au début du XIXe siècle, c'est essentiellement la marche qui est utilisée dans les mobilités. Il y a aussi un petit peu de transport attelé de chevaux qui s'est développé progressivement, notamment pour les longues distances. Et puis il y a eu l'arrivée du ferroviaire à partir des années 1830 qui va permettre de développer du transport plus rapide sur plus longue distance et concurrencer le transport attelé", rappelle Aurélien Breton.

Des transitions longues

Le chercheur note que la transition vers le ferroviaire a été "très progressive" puisqu'il a fallu développer le réseau sur tout le territoire. Ainsi, les Français effectuaient en moyenne 4 kilomètres par jour en 1800, dont 3,9 à pied. En 1850, la marche représentait 3,8 kilomètres, le transport attelé 0,2 kilomètre et le ferroviaire 0,1 kilomètre par jour. Au début des années 1920 en revanche, le train (2,6 kilomètres par jour en moyenne) commence à rivaliser avec la marche (2,7 kilomètres), tandis que l'utilisation de la voiture se développe elle aussi (1 kilomètre).

"Les principales innovations se sont faites sur la fin du XIXe siècle. Progressivement, les voitures ont pris de plus en plus de place au début du XXe siècle et puis on va avoir aussi les bus et cars qui vont devenir motorisés. On a aussi une électrification qui va être de plus en plus forte (...) avec en 1900 la mise en service de la première ligne de métro en France", souligne Aurélien Bigo.

L'histoire a aussi eu un rôle à jouer dans l'utilisation des nouveaux modes de transport: "Parmi les crises importantes qu’il y a eues dans le transport, il y a bien évidemment les deux guerres mondiales qui vont conduire à des ruptures à la baisse importantes sur certains modes de transport, notamment sur l’autocar qui fonctionnait au pétrole, sur le transport ferroviaire, sur la voiture aussi...", poursuit Aurélien Bigo. Avant d'illustrer:

"On sait que le parc automobile a été divisé par trois entre 1935 et 1945 et (...) cela a mis du temps avant qu'on retrouve le niveau d'avant la Seconde guerre mondiale".

Ce n'est que dans les années 1950 que la voiture a vraiment commencé à se démocratiser. De la même manière, le transport aérien commercial qui s'est développé au début des années 1920 a longtemps été réservé à des populations aisées et sur des liaisons qui ne pouvaient être opérées par le transport ferroviaire. Il a fallu attendre des décennies avant que son usage ne se démocratise à son tour.

Un temps de transport quotidien qui évolue peu en deux siècles

Plus proche de nous, la pandémie de Covid a aussi bouleversé les habitudes d'utilisation des différents moyens de transport. En 2020, le nombre de kilomètres parcourus chaque jour en moyenne a chuté de 31% en France, à 38,2 kilomètres. Deux ans plus tard, la moyenne était remontée à 51 kilomètres, dont 34,7 en voiture, 7,8 en avion, 4,8 en train et 2 en bus/car.

Pour autant, "quand on regarde la mobilité sur les derniers siècles, les temps de transports n'ont pas énormément changé. On se déplace toujours environ une heure par jour et par personne. Mais il y a deux siècles, cette heure de transport était réalisée avec des modes de transport assez lents. On faisait 4-5 kilomètres donc la vie était relativement locale", indique Aurélien Bigo.

"Avec une heure de transport aujourd'hui, on va beaucoup plus loin. On fait une cinquantaine de kilomètres par jour et par personne", martèle le chercheur.

Une révolution qui "a eu des conséquences très concrètes sur l'aménagement du territoire qui s'est adapté à cette disponibilité des modes de transports plus rapides, qui permettent par exemple d'aller habiter plus loin de son travail".

Ce bouleversement des mobilités soulève bien entendu des interrogations sur son impact environnemental alors que "80% de l'ensemble des kilomètres parcours restent liés au pétrole et cette part va devoir être à 0% en 2050 si on veut réussir à respecter nos objectifs climatiques", pointe Aurélien Bigo. Il s'agit pour lui d'une "transformation majeure" en seulement 25 ans, d'autant plus quand "on voit qu'il y a un certain temps long pour faire des transitions entre différents modes de transport". Il suffit de voir l'électrique qui ne constitue à ce jour que 3% du parc automobile en France.

2025-07-05T08:06:14Z